⏏ L’homme dont-on voyait à travers
⏏ Synopsis : Crime poétique en vers de 10 pieds. Durée 2:38.
J'ai donc imaginé un homme d'une infinie beauté qui venait se faire masser et à travers lequel on pouvait voir les mécanismes les plus fins, les couleurs les plus douces, la perfection la plus aboutie. Un jour, par jalousie, je le précipitais dans la mort.
L’homme dont-on voyait à travers, texte intégral.
J’eus un jour à masser les transparences
D'un homme dont-on voyait à travers
Qui de toujours avec force prudence
Mouvait sa frêle économie de verre
Ses organes formaient mille couleurs
Spectre de toute son anatomie
Irradiant une douce langueur
hypnotisante radiographie
D'une vulgaire silice épanchée
Dans les entrailles d'un four rougeoyant
Avait finit par laisser s'échapper
Cet homme joliment iridescent
Son cœur provenait de chez Baccara
Ses deux reins, guillochés à Saint-Louis
Ainsi pouvait-on voir tous ses abats
Soufflés par les plus belles verreries
Il fallut les plus grands souffleurs de verre
Leur infinie patience et maîtrise
Des siècles d’art à ces fines viscères
Pour qu'elles papillonnent et s'irisent
Sous sa peau de jade et de verres blonds
Courait un fin réseau de veines roses
Notre Arlequin à la treille de plomb
Mariait le silicate et l'orthose
Ses mains fraîches comme le Pacifique
Présentaient doigts et paumes de verres
Des veinules plongées dans la baltique
Parcouraient ce singulier planisphère
Un jour pourtant je le fit chanceler
Le bousculais, affreuse inadvertance
Je ne voulais pas le faire tomber
En tout cas pas en toute conscience
Pas volontairement, pas comme ça
Je méprisais la beauté de sa vie
Ses mouvements empruntés, délicats
Mièvres reflets de millefiori
Il me regarda tout en basculant
Coupé d'effroi précieux Murano
Je revois son ralenti de vivant
Qui fit du carrelage son tombeau
Dans sa chute qui n'en finissait pas
Ses yeux prirent le temps de se fermer
Pour une fois qu'un poète pourra
Dire que sciemment il a trucidé
Tout autant cette ode filée de vers
Écrite pour la mémoire d'un crime
Que cet exubérant homme de verre
Tous deux sombrant à jamais dans l'abîme
Par le poète queer ⚣ Alain Cabello-Mosnier
Le mardi 6 juin 2017 à Paris