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POÉSIES HOMOSEXUELLES : Gay, Lesbienne, Trans, Bi
6 janvier 2023

La poésie chez Hannah Arendt

 

Hannah Arendt 2

 

Bonjour les gens, je lis en ce moment Condition de l'homme moderne écrit en 1958 par Hannah Arendt (1906-1975) dans lequel elle fait la distinction entre l'animal laborans natif dont le corps est la force de travail et l'homo faber, fabricateur en titre, celui qui, libère de l'esclavage quelques-uns en faisant travailler tout le monde qui, au lieu de s'émanciper des choses matérielles devient l’esclave de sa propre consommation.

Naturalisée citoyenne des États-Unis en 1951, elle entame une carrière d'universitaire et de conférencière en tant que professeur invité en sciences politiques à Berkeley, Princeton (où elle devient la première femme nommée professeur), Columbia, Brooklyn College, Aberdeen, Wesleyan. Vous allez me dire que ça n'a pas grand chose à voir avec la poésie et bien si figurez-vous puisqu'elle fait partie du travail, de l’œuvre en tant que production de l'esprit et comme elle l'évoque à de nombreuses reprises en convoquant d'autres auteurs, j'ai trouvé pertinent de vous restituer ces passages. Aristote aborde par exemple, dans une certaine mesure, l'obnubilation du poète pour son œuvre. Un de mes amis s'étonnait un jour de me voir apprendre par cœur mes poèmes préférés, la question s'est naturellement posée, est-ce de l'orgueil de ma part, de l'hubris ? Est-ce que ne pas publier, rester le plus discret possible, le plus minuscule n’est encore pas suffisant ? Dois-je aussi renoncer à me lire moi-même alors que je ne cherche déjà pas à être lu par les autres ? Enregistrer ma poésie, m'écouter la réciter est-ce du narcissisme, l'absolutisme de ma création qui me forcerait à la créer puis à la lire inlassablement pour lui donner vie ? Aristote répond en disant "l'amour du poète pour son œuvre et à peine moins passionné que celui d'une mère pour ses enfants." Ainsi, si s'aimer soi est un complément à la matière qui me compose momentanément, est-ce que aimer ce que mon esprit n'a pourtant de cesse de produire, n'illustre pas la part nécessaire à l’œuvre ? Par qui pourrait-elle être aimée si celui ou celle qui la fabrique ne l'aime pas d'abord et à travers elle la représentation qu'il a de lui-même en tant qu'être écrivant ? Aimer ce que l'on écrit c'est aussi aimer la part d'existence à laquelle nous avons renoncé pour l'écrire et l'oeuvre n'est pas que celle écrite, c'est aussi celle qui s'écrit avec ses ajouts, ses renoncements et celle qui le sera.

 ___

La phrase est plus longue est alambiquée mais en substance elle nous dit "L'art est la partie non mortelle des êtres mortels"...

P. 224 : "Nous avons déjà dit que cette réification, cette matérialisation sans laquelle aucune pensée ne peut devenir concrète doit toujours être payée, et que le prix en est la vie elle-même : c’est toujours dans la « lettre morte » que « l’esprit vivant » doit survivre, dans une mort dont on ne peut le sauver que si la lettre rentre en contact avec une vie qui veut la ressusciter, encore que cette résurrection des morts soit, comme tout ce qui vit, promise de nouveau à la mort."

P. 225 : "Dans la musique et la poésie, les arts les moins « matérialistes » puisqu’ils ont pour « matériaux » les sons et les mots, la réification et l’ouvrage qu’elle exige sont réduits au minimum. Le jeune poète, le jeune musicien prodige peuvent atteindre une certaine perfection sans expérience et presque sans apprentissage."

La poésie, qui a pour matériau le langage, est sans doute de tous les arts le plus humain, le moins du monde, celui dans lequel le produit final demeure le plus proche de la pensée qui l'a inspiré. La durabilité d'un poème est produite par condensation, comme si le langage parlé dans sa plus grande densité, concentré à l'extrême, était poétique en soi. Ici la mémoire, mnémosyné, mère des muses, se change immédiatement en souvenir : pour réaliser cette transformation le poète emploie le rythme, au moyen duquel le poème se fixe presque de lui-même dans le souvenir. C'est cette proximité du souvenir vivant qui permet au poète de demeurer, de conserver sa durabilité en dehors de la page écrite ou imprimée, et bien que la « qualité » soit soumise à une grande variété de normes, le poème inévitablement doit être « mémorable » afin d'être durable, afin d'avoir une chance d'être fixé de façon permanente dans le souvenir de l'humanité. De tous les objets de pensée la poésie est le plus proche de la pensée, et le poème est moins objet que toute autre œuvre d’art ; et pourtant le poème lui-même, si longtemps qu'il ait existé comme parole vivante dans le souvenir du barde et de son auditoire, sera un jour « fait »: il sera écrit et transformé en chose tangible, parmi les choses, car la mémoire et le don du souvenir, d'où naît toujours le désir de l'impérissable, ont besoin de choses tangibles pour les rappeler et les sauvegarder.

Page 255 au sujet d'Aristote qui explique que le bienfaiteur aime toujours ceux qu'il a aidé beaucoup plus qu'il n'est aimé. Puis il explique que cela est tout naturel puisque le bienfaiteur a fait un ouvrage, un Ergon, tandis que le bénéficiaire n'en fait que supporter la bienfaisance. Le bienfaiteur, selon Aristote, aime son "ouvrage", la vie du bénéficiaire qu'il a "faite", comme le poète aime ses poèmes ; et le philosophe rappelle à ses lecteurs que l'amour du poète pour son œuvre et à peine moins passionné que celui d'une mère pour ses enfants.

Hannah Arendt répond à la vertigineuse question À quoi servent les poètes ? en disant, à ne pas faire oublier la guerre de Troie. P. 256

Et enfin, page 330 ",...l'aspect le plus significatif sans doute du nihilisme et de ce désespoir étant qu'il n'épargne plus les savants, dont l'optimisme bien fondé pouvait encore au XIXe siècle s'opposer au pessimisme également justifiable des penseurs et des poètes."

 

Vendredi 6 janvier 2023

 

 

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