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POÉSIES HOMOSEXUELLES : Gay, Lesbienne, Trans, Bi

‒ 👍 Sergueï Essénine (1895-1925) RU

Serguei-Essénine

Sergueï Essénine (1895-1925) (en russe : Sergueï Aleksandrovitch Essenine) né le 21 septembre 1895 (3 octobre 1895 dans le calendrier grégorien), il meurt le 28 décembre 1925 à Leningrad, officiellement par suicide, à 30 ans.

C'est un de ces poètes que je me plais souvent à qualifier d'hétéro-bousculé à part que celui-ci a marqué la Russie du XXe siècle par son parcours. Il fait parti de ces auteurs russes, homosexuels ou bisexuels connus dans le monde entier ou ayant eu leurs heures d'incontestables gloires.

Il achève sa scolarité au sein d'une école paroissiale en 1912, rejoint son père à Moscou et un travail dans une maison d'édition. Son appétence pour la poésie le rapproche des milieux artistiques moscovites et des révolutionnaires sociaux-démocrates ouvriers dont il distribue les journaux, ce qui lui vaudra d'être fiché par la police tsariste. Sergueï Essénine ne ménage pas sa peine pour la cause, écrit des poèmes révolutionnaires et demandera même à entrer au parti bolchévique en 1918, ce qui lui est refusé pour cause d’individualisme (tout ça manquait visiblement d'entrain). Ce refus fut-il le déclencheur de ses doutes ? Quoi qu'il en soit, il prendra très tôt conscience de l’échec de cette révolution.

Une hétérosexualité aux turbulences homosexuelles

Avant d'être très bel homme, Sergueï Essénine fut un vraiment très bel adolescent qui ne laissera aucun sexe indifférent et ne sera indifférent à aucun.

Son mal-être, et ce qui semble s'apparenter à une fuite en avant hétéro-fréquencée, ne fait qu'exposer plus tragiquement encore l'homosexualité sous-jacente qui le mine dans un contexte révolutionnaire au virilisme ostensiblement exacerbé. Dès ses 17 ans il multiplie l'affichage de ses conquêtes féminines, Anna Izriadnova en 1914, s'entiche de Zinaïda Reich en 1917 qu'il épouse le temps d'avoir deux enfants avant de divorcer en 1921, pour mieux se remarier l'année suivante avec la danseuse américaine Isadora Duncan (1877-1927) de dix-huit ans son aînée qu'il quittera en 1923.

Dès 1922, il parle de suicide, devient dépressif, alcoolique « C’est l’alcool qui effeuille ma cervelle » (L’Homme noir, extrait, éditions Circé) alors même qu'il parcourt l'Europe avec sa nouvelle épouse et est l’un des poètes les plus lus en Russie où il est très populaire. « Je n’écris plus de poésie, je ne fais que des vers ». En fait, Sergueï Essénine a de plus en plus de mal à assumer son homosexualité, à la reconnaître, à la vivre au grand jour de ceux qui veulent aimer, il se laisse consumer par elle malgré les ouvertures politiques qui se dessinent. Les hétéro sont des dévorateurs de gays par des a priori qu'ils affichent avec satisfaction afin de mieux sublimer leur propre sexualité à l'intention d'homo qui ne sont pas en capacité de répondre au risque d'être considérer comme l'un de ceux-là.

A cette période précise de l'histoire la grande Russie, le pays est relativement conciliant avec les gays et même après la première guerre mondiale et la Révolution de 1917 (chute du Tzar), puisque le pouvoir bolchévik a décriminalisé les relations homosexuelles en 1922, mais ça reste plus rouge que rose et pour Sergueï, plus noir que jamais et impossible à exprimer pour toujours au regard de sa notoriété. N'oublions pas que pour des assassins-dirigeants comme Lénine, l'homosexualité restait le reliquat d'une dégénérescence bourgeoise qui disparaîtrait d'elle-même avec l'instauration du socialisme triomphant ou grâce aux progrès de la médecine (un monde parfait reste hétérosexuel)... De plus, il faut rappeler que l'on exécutait peu pour ce fait mais pour d'autres, fussent-ils fantasques, mensongers ou montés de toute pièces, seul comptait le résultat.

En 1933, le commissaire aux Affaires intérieures Guenrikh Iagoda adresse un rapport à Staline _qui, si vous me permettez cette incise, n'appréciait pas l’œuvre de la poétesse homosexuelle, Marina Tsvétaïeva (1892-1941) "tout deux mourront par pendaison"_ en faisant le lien entre homosexualité et révolution mise en danger par ces mêmes homosexuels qui transformaient leurs clubs en « centres d’abus sur les jeunes » et cherchaient à détourner la jeunesse Russe et de la morale, et de la politique. Un an plus tard, un article punissant les relations homosexuelles de cinq ans de réclusion apparaissait dans le Code pénal. Les femmes au début n’étaient pas concernées et seuls les hommes étaient persécutés. Progressivement des camps se sont ouverts et les les déportations se sont multipliés.

D’après les archives du professeur Volodine, à partir des années durant les années 1950 à 1970, près de 1 000 personnes par an étaient interpellées avec un pic de condamnations atteint selon lui en 1985, bien que les sources restent inaccessibles sur le nombre de condamnations effectives. Malgré tout le respect que nous devons à ces hommes et à ses femmes internés qui ne sont ni plus ni moins que ce que nous sommes encore aujourd'hui au regard de nos pratiques _si nous devions être réduit à celle-ci_, ce chiffre reste somme toute assez faible statistiquement mais considérable dans l'absolu et ce d'autant plus qu'ils étaient tout en bas de l'échelle concentrationnaire russe (hyper violente). Une des caractéristiques de l'ostracisme de l'homosexualité passe aussi par le viol homosexuel de ceux à qui on reproche de l'être par ceux qui se revendiquent hétéro. Donc on dissimule ses propres pulsion homosexuelles ou ses frustrations du moment, en minéralisant l'individu pris comme minerai organique pour lui faire faire tout ce que les humains libres refusent à d'accomplir sans contrainte. L'exploitation du sexuel est une de ces prérogatives que s'arrogent les tortionnaires en réduisant la sphère intime à l'assouvissement du plus grand nombre devenus complices en contrevenant aux mœurs que le sanctuarisait. Rappeler continuellement à quelqu'un sa sexualité décrite comme déviante et d'autant plus révoltante qu'elle dégoûte celui qui ne la partage pas, tout en lui conférant un avantage qu'il n'aurait pas eut dans un régime de droit, est une manière de défaire l'autre de toutes revendications ontologiques.

La situation s'est progressivement rétablie avec la perestroïka initiée par Mikhaïl Gorbatchev à la fin des années 1980 et l’abandon du GouLag à partir de 1988. L'arrivée au pouvoir de Poutine, viendra inverser la politique d'ouverture de la cause LGBT à des fins purement géopolitiques pour contrarier l'occident qui faisait montre d'une unanimité plus que souhaitable.

Sergueï Essénine sera hospitalisé dans une clinique en 1925 et son suicide en décembre de la même année est probable même si les nombreuses zones d’ombres n'écartent pas le doute qu'il ait aussi put être assassiné par la police secrète soviétique, (la Guépéou). Dans un environnement de paix il est toujours difficile d'imaginer que de telles choses aient pu avoir lieux, mais son ex femme, Zinaïda Reich fut elle aussi, retrouvée dans la nuit du 14 au 15 juillet 1939, poignardée par des policiers dans son appartement de Bryusov pereulok (Moscou)alors qu’elle prétendait tout dire à Staline sur la mort d’Essenine. Elle meurt opportunément sur le chemin de l'hôpital sans que l'enquête bien-sûr n'aboutisse, ce qui sera également le cas, quelques mois plus tard, de son second mari le dramaturge Vsevolod Meyerhold, torturé et exécuté, en secret, le 2 février 1940 pour avoir écrit un opéra anti-allemand Semyon Kotko, alors que les relations semblaient se réchauffer entre les deux pays.

C'est dans ces moment de lectures qu'il faut nous rappeler combien de poètes, d'écrivains, furent humiliés, persécutés, violentés, violés et combien cette turbidité a pu affecter jusqu'à l'esprit de certains lorsque la raison les a quitté, l'amour blessé.

Le voici donc mon pays

Quelle grande gueule je faisais

à brailler, dans mes vers, du peuple à être l’ami !

Ma poésie, ici, n’est plus bonne à personne

au reste moi non plus.

Ce désespoir est tel, qu'il écrit alors son dernier poème à partir de son propre sang, celui-là même passé par son cœur et il n'est pas dédié à sa chère Russie mais bien à un autre poète qui s'est aussi avéré bisexuel après recherches, Nikolaï Kliouïev (1884-1937) qui se considérait comme son élève.

Traduit en français voici ce que cela donne :

Ami, adieu
Ami, adieu.
Mon ami, au revoir.
Toi jamais perdu, je n’oublie rien.
Prédestiné, il en était ainsi, tu le sais, de ce parcours.
Il en sera ainsi : ce revoir promis.

Main et mot ? Non, laisse - pourquoi encore parler ?
Ne te lamente pas et ne t’efface pas de moi.
Mourir -, maintenant, je sais, cela est déjà arrivé ;
mais, vivre aussi cela a du déjà avoir lieu une fois.

Alors je m'interroge sur cette initiative, Sergueï Essénine est un poète flamboyant ayant incarné une part non négligeable de cette poésie Russe, et le voici écrivant le dernier de ses textes en pensant précisément à un autre homme, un autre poète dix ans plus âgé que lui et qui mourra à peine plus dix ans après lui, fusillé. Cette union par le sang semble relier deux garçons dont le regard s'est laissé troublé par les gibbosités des autres, par des lèvres trop rouges, des épaules paysannes.

Qu'y eut-il entre ces deux hommes, de l'admiration, de l'amour, des caresses les unirent-elles au gré de paysages qui n'auraient été qu'à eux, ont-ils vu de l'autre ce que personne ne verra plus de leurs baisers couchés dans la neige ; la fourrure de leur Chapka a-t-elle chatouillé le nez de ces griffons de la Moskova ? Peut-il y avoir moins que cela lorsque le dernier de nos écrits comme la dernière de nos pensées revient à un garçon en lettre de sang ?

Sergueï Essénine écrit en 1916 un roman intitulé La Ravine extrêmement poétique mais déjà noir pour un jeune homme de 18 ans et rédige aussi son premier recueils de poésie, Radounitsa. En 1917 pendant la Révolution bolchévique d'Octobre, il écrit deux longs poèmes : Transfiguration et Inonia où s'exprime son rêve mystique et révolutionnaire d'une autre Russie.

Au printemps 1918, le poète fait paraître Golouben, son second recueil, et trouve un emploi dans une nouvelle maison d'édition. Cette année-là, il exprime sa conception de la poésie à travers un essai intitulé Les Clés de Marie.

Sergueï Essénine reste néanmoins parmi "les homosexualités encore discutées".

 

Liste de poètes russes homosexuels ou bi : Nicolas Gogol (1809-1852) ; Mikhaïl Kouzmine (1872-1936) ; Nikolaï Kliouïev (1884-1937) ; Sophia Parnok (1885-1933) ; Marina Tsvétaïeva (1892-1941) ; Georges Adamovitch 1892-1972 ; Sergueï Essénine (1895-1925) ; Yevgeny Vladimirovich Kharitonov (1941-1981) ; Gennady Nikolaevich Trifonov (1945-2011) ;

 

Page créé le jeudi 11 septembre 2021 par Alain Cabello-Mosnier (1968)
(poète gay & masseur à Paris) ⚣

 

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