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POÉSIES HOMOSEXUELLES : Gay, Lesbienne, Trans, Bi

‒ 👍 Michel Beaugency (1933-2018)

feux_vifs_michel_beaugency_titre

 

Michel Beaugency, de son vrai nom Michel Bozon Gabriel Raymond, né le 14 février 1933 à Lyon et dont je retrouve une année de décès en 2018 à Paris 15eme, écrivain et poète homosexuel auteur de Feux vifs et flammes mortes pour un astre de nuit avec préface du poète Jean Cocteau (1889-1963), Presses du livre français, 1953. Je ne pense pas qu'il y eut d'autres recueil de lui.

L'ouvrage se compose de 64 poèmes sur 68 pages + une non paginée et trois vierges présentant un ensemble de poèmes clairement homo-fréquencés dont certains sont clairement explicites.

Là nous sommes dans les années 1952/53 à l'exact milieu, et du sortir de la  guerre (déportations ciblées, relais homophobes des lois pétainistes), et de l’amendement Mirguet de 1960 nous traitant de fléaux sociaux n'aident pas à s'affirmer et il devient beaucoup plus compliqué socialement de parler ouvertement de son homosexualité. Ce livre se distingue donc mais il joue tout de même sur l'ambiguïté, par exemple, page 33 nous avons un poème intitulé Petite histoire d'une prostituée dont la lecture nous laisse penser que le narratif de cette péripatéticienne n'était autre que l'écrivain lui-même ou une projection de son propre désir à passer du trottoir de l’invisibilisation "ton regard a fixé ma silhouette obscure." a celui d'être ouvertement aimé même si cela se termine dans la désillusion puisque le personnage meurt dans les bras de cette femme.

Feux_vifs_michel_beaugency_frontispice_Jean_BoulletAlors peut-être était-il bisexuel pourrait-on m'objecter mais alors il n'aurait pas eu besoin de publier un pareil ouvrage, qui plus est sous l'égide de pareils chantres de l'homosexualité pour magistraux parrains. Pour moi, ses rares poèmes hétéros sont là pour donner le change.

Là ce n’est pas un livre de poésies standards, en 1953 Cocteau est dix ans avant sa mort et le peintre, illustrateur gay Jean Boullet (1921-1970) composent cet égrégore. Le célèbre dessinateur signe un frontispice à la musculature ultra sanguine et à l'ignescent pubis chargé comme une benne à ordures que je trouve pour ma part à la fois agréablement scolaire et follement émouvant. Il fait le lien avec renvoyant a :

Musculature page 39

Dévêts-toi de tes muscles
et parais nu vraiment,
Dévêts-toi de tes muscles
sous les corps te couvrant
de savantes caresses
et de baisers pressants.

Si mes mains sont légères
comme un fluide parfum,
Si les mains sont légères
comme un oiseau à jeun,
Si les mains sont légères
mais sois nu, Ange Brun.

 

Un mot sur la préface de Jean Cocteau datée du 12 octobre 52, c'était un dimanche et rédigé en ces années 50 peu propices à l'expression d'une sensibilité gay et qui s'y montre plus allusif qu'explicite :

Ce qui importe à notre époque plurielle, ce sont les cris écrits singuliers que pousse la jeunesse et qui deviennent poèmes.
Ce qu'on nomme une muse (c'est à dire notre ombre interne) arme à nous faire crier (et avouer).

Je trouve ce texte sociologiquement intéressant et terrible avec ce Ce qu'on nomme une muse (c'est à dire notre ombre interne), vous rendez-vous compte de la manière dont-il parle de l'homosexualité et qui n'est que la manière dont-elle est généralement perçue ? Une ombre interne, c'est dire le poids du tabou qui s'installe, sans oublier la fin arme à nous faire crier (et avouer) cette homosexualité devient une arme capable, à être trop tut, de devenir hurlante, nécessaire pour avoir la force "d'avouer".
Je me souviens lorsque j'étais au Centre Gay et Lesbien de Paris dans les années 90 combien je m'insurgeais alors contre ce qualificatif de l'aveu comme s'il s'agissait d'un crime qui l'était devenu par la loi. Ombre interne et avouer sont entre parenthèse mais quand même, je rappelle que c'est une préface et exactement ce qui me donne la force de faire ce travail de mise en ligne patiente de la poésie homosexuelle qui échappe encore beaucoup à la culture des gays. Je trouve, et j'en appelle à chacun.e d'entre-vous, que gays, nous devrions apprendre par cœur au moins un poème gay et un lesbien.

feux_vifs_michel_beaugency_jean_cocteau

Feux_vifs_par_michel_beaugency_1953

 

Je viens de recevoir un exemplaire de cet ouvrage ci-contre mais, malheureusement pour moi, il n'est pas "coupé". Nous sommes en juillet 2021 ce qui signifie qu'il est imprimé depuis 68 ans sans que personne n'ait jamais dénié le lire. Néanmoins, ô bonheur de bibliophile, il reste nantie de son bandeau promotionnel qu'il conserve intact et un second de remplacement à l'intérieur. Celui-ci est si fragile que je ne pourrais l'enlever qu'une seule fois et n'accéder qu'aux pages accessibles à moins que je ne décide d'être le premier à le déflorer. Ce qui fait les délices de l'archives ne fait ainsi pas la réjouissance du lecteur car, soit je l'ouvre et je lui enlève irrémédiablement sa pureté d'imprimerie, soit je le laisse tel quel, et il échappe à deux de ses raisons essentielles, la première celle pour laquelle il a été écrit et la seconde, celle pour laquelle je l'ai acheté. Cet exemplaire est-il donc condamné à ne jamais être lu ? Quoi qu'il en soit, j'ai presque envie de vous recopier tous ses poèmes.

En plus de Feux vifs et flammes mortes pour un astre de nuit de 1953 (il aurait possiblement publié d'autres recueils de poésies dans les années 50 mais je ne les retrouve pas), il est aussi l'auteur de Un Déjeuner de soleil de 1975 et L'arlequin de vitrail de 1955. Dans les années 1970, il a aussi collaboré à la revue Arcadie.

Le tirage comprend 550 exemplaires :
- 50 exemplaires sur Alfa Mousse, numérotés de 1 à 50
- 500 exemplaires sur Alfa Navarre, numérotés de 51 à 550.
- Mon exemplaire est le n° 418. Ce qui est magnifique c'est cette mention apposée au crayon de papier Édition de luxe. En réalité, le papier Alfa, souple et très léger, est pourtant le parent pauvre des tirages de luxe et n'est d'ailleurs pas vraiment considéré comme un véritable "grand papier".

Que dire de sa poésie : c'est essentiellement de la prose souvent très emphatique donc n'attendez pas trop de rimes légères, des calculs de pieds et de genres alternés ou des vers follement sophistiqués mais l'atmosphère qui s'en dégage est résolument douce et sensible.

 

Prière de la nouvelle mystique page 38

Ah ! Seigneur

abandonné

délaissé

renié par tous

haï par beaucoup,

laissez-moi

je Vous en supplie

Vous adorer

comme je les adorai tous,

vos créatures,

vos serviteurs :

mes bien-aimés.

 

 

Pleurs fades
Que je recopie de la page 24

Sa joue fut un cierge pâle aux larmes de cire
Fondant sous le feu de ses yeux dont l’éteignoir
est une lourde et chaude paupière blonde

Ses lèvres humides tremblent du fou désir
de sa chair, de son âme et serrant la mâchoire
il broie avec son cœur la lourdeur de son front.

 

Sommeil égaré (page 25)

Mon désir est de m'étendre seulement à tes côtés ;
Sentir, à la hauteur de mes jambes tes jambes
                            de ma poitrine, la tienne
                              de mes lèvres, tes lèvres ;
Sentir que nos halènes légères se marient,
et puis dormir
Dormir et te regarder,
Te regarder et fermer les paupières.
Te regarder au travers de mes paupières fermées.

Et puis dormir ;
Et puis rêver.
Rêver à la réalité ;
Rêver que tu dors tout prêt de moi
                                         sur mon
                                        épaule.

Te regarder et toi... dormir ;
Toi t'évader et moi... Jouir.

 

Sommeil sculptural

à Jean Le C. (page 27)

 

Deux hommes, dos à dos

dorment comme des bêtes,

le front lourd et leurs

grandes mains creuses

posées sur les jambes amies

du camarade aux douces joues,

qui glisse son visage dans le cou

de taureau du beau dormeur de chair.

 

Dernière possession

La corolle diaprée
                            des chairs universelles
se fane,
            pour tendre sur son velours
                                                      le Fruit
Ferme et brillant dont
                                 fière
la fine peau luit
à force de fortes caresses qui ruissellent...
Et l'être frémissant pour livrer son doux corps
au démon de la chair
                                a les ailes brisées
du Bel Ange déchu qui,
                                    les mains épuisées
n'a plus qu'un seul Désir,
                                      c'est posséder sa Mort.

 

Paroles de caresses page 13

Que dans les ténèbres
toutes les étoiles soient mes yeux qui t'admirent
et que Ton ombre danse
dans la plaine
éclairée par les feux vifs
et les flammes mortes de tous les astres.

Que mon corps soit cet air
et cette eau qui pénètre
et cette eau qui pénètre,
qui s'introduit dans Ta chair
par les moindres pores de cette peau si douce
respirant l'Amour de toutes ses forces.

La nudité de ton corps se dresse,
s'étire du ciel à la terre
Et mes doigts jouent sur ce parfum blanc qui s'élève
comme sur la corde d'une lyre humaine
que je caresse et qui résonne;
ô assonance bien aimée,
pour le frémissement des êtres...

 

 

Dossier afférent : ⌛LIVRES de poésie LGBT
Alors j'ai pas mal glané sur le web et suis tombé sur le toujours très beau travail de http://bibliotheque-gay.blogspot.com

Page terminée le mercredi 7 juillet 2021, à Paris par le poète gay Alain Cabello-Mosnier (1968-)

 

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