‒ Juana Inés de la Cruz (1648-1695)

Juana Inés de Asbaje y Ramírez de Santillana, plus connue sous le nom de sœur Juana Inés de la Cruz (Jeanne-Agnès de la Croix), est née, selon les sources, le 2 décembre 1648 ou le 12 novembre 1651 à San Miguel Nepantla (es) (dans l'actuelle municipalité de Tepetlixpa au Mexique) pour mourir le 17 avril 1695 à Vice-Royauté de Nouvelle-Espagne. C'était une religieuse catholique (hiéronymite), poétesse et dramaturge de la Nouvelle-Espagne présumée lesbienne par beaucoup d'observateurs en raison de déclarations enflammées de sœur Juana à ses amies femmes (notamment la marquise de Paredes, oups, Dame de compagnie de la vice-reine du Mexique) qui en ont fait une icône d'un lesbianisme littéraire.

Juana Inés de la Cruz ne fut pas qu'une grande poétesse mexicaine pour en pas dire le premier des grands poètes américains assez largement inconnue en France, non, elle fut aussi une vraie théologienne (comme s'il put y en avoir des fausses), une théoricienne scientifique, une dramaturge magistrale, et surtout une grande voix féministes qui n'hésite pas à s'habiller en homme pour étudier et à entrer au couvent pour les fuire.

La figure tutélaire et hétéro-fréquencé d'Octavio Paz né en 1914 et mort en 1998 n'est peut-être pas la mieux placée pour aborder l'homosexualité féminine ce qui peut expliquer qu'il soit resté prudent mais il ne dédaigne pas de parler d'amitiés amoureuses, « qui n'exclut pas nécessairement l'existence de tendances saphiques entre les deux amies », mais que cela « ne les implique pas non plus. ». même si pour lui « leurs relations, bien que passionnées, furent chastes. ». Sa thèse magistrale était fameuse et reconnue de tous, donc je me garderais bien de la juger, mais il est mort et c'est à chaque vague contemporaine de vivants à remettre la question sur le canevas du siècle qu'elle entame.

Je ne suis pas davantage fondé à me prononcer sur la réalité que les hétéro préfèrent ne pas voir de l'écharnure vitale qui reste malgré tout les nettoyages de leur peau tannée par les nécessités d'un affichage sexuel uniforme et conforme aux exigences de dominations, ni même sur ce que nous les LGBT poursuivons de volontés en désespérances tant nous serions en manque de référant, ce n'est pas le but.

L'écriture est une œuvre de vérité que les échanges épistolaires viennent ombrer de reliefs parfois des plus troublants. Ce serait déplacé de ma part de considérer que sa vocation n'aurait peut-être pas était complètement et viscéralement mue par la seule spiritualité, mais je suis un viscéraliste, et je sais combien les pâtes feuilletées humaines peuvent réserver de surprises.
C'est au détour moelleux d'une frangipane que nous tombons parfois sur une fève d'inattendus. Voilà qu'un fabophile pensant sucer sa vierge de prédilection (fève étant un concentré d'état hyménal, de réductionnisme symbolique, d'objectivation par la préservation et de spécification du féminin), se surprend à découvrir le délicat plaisir de se satisfaire d'un petit berger à genoux dans la neige. Voilà qu'à son tour la jeune fille, certaine par cette galette des rois patriarcale d'avoir l'un d'entre-eux sous la dent, tombe sur une reine qui s'avère d'un incontestable et bien meilleur rapport. La manducation des absolus et de ses antériorités dissidentes rend souvent à la volupté sa part d'exactitude.

Juana Inés de la Cruz n'en est pas moins d'avantage devenue une des plus importantes figures de proue des mouvements homosexuels et particulièrement lesbiens d'Amérique latine. Les expressions alors utilisées sont sublimes et rivalisent de références saphiques.

La « Dixième Muse » ; les filles de Mnémosyne, déesse de la mémoire chez les Grecs et de Zeus étaient au nombre de neuf, donc la tentation a toujours été grande d'en créer une dixième à commencer par Platon qui qualifiait ainsi Sapho, autre lesbienne devant l’Éternelle (féminin, of course). Il est donc normal que ces filles qui ont été capables de donner autant d'inspiration que de mauvaises pensées aux artistes masculins comme féminins aient participé à l'ambiance des gynécée des femmes gay.

La notion de Dixième Muse nouvelle inspiratrice, fut moultement reprise jusqu'à devenir un magazine lesbien des éditions Lydiennes (basées à Lille), créé en mai 2003 et disparu en juillet 2013.

On l'appelait aussi le « Phénix américain » et, plus goudou encore tu meurs, la « Nonne amirale », c’est magnifique ça...

Œuvres traduites en français

• Poèmes d'amour et de discrétion, La Délirante, 1987.
• Le Divin Narcisse, Gallimard, 1987.
• Le songe - Et autres poèmes, La Différence, 2014 (trad. Jean-luc Lacarrière).

Qui donne un moyen pour aimer sans peine

Je ne peux ni te garder ni te quitter,
pourquoi je ne sais, en te quittant ou en te gardant,
il y a toujours un je ne sais quoi pour t’aimer
et bien des si pour t’oublier.

Donc si tu ne peux ni me quitter ni t’amender,
je vais régler mon coeur de sorte
qu’une moitié penche à t’abhorrer
tandis que l’autre penche à t’aimer.

Notre amour ainsi peut y grandir,
car on meurt à se quereller sans cesse :
que de nos discours jalousie et soupçon disparaissent,

et que qui donne la moitié ne veuille pas le tout ;
et sache que lorsque tu dissimules
je dissimule aussi de mon côté.

Pour en savoir davantage sur Juana Inés de la Cruz, lire ce texte sur Openedition.org et ce merveuilleux poème lu par Evelyne Guimmara.

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Page créée le lundi 14 février 2022 par Alain Cabello-Mosnier
(poète gay & masseur à Paris) ⚣
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