Les parapluies

Les parapluies n'empêchent pas la pluie de tomber mais juste de nous sentir plus seul que jamais dans cette prison d'eau de haute insécurité sans aucun soleil pour l'évasion. J'étais accroché dessous une de ces punaises d'eau, comme une chauve-sourie, humain et désespéré, noir et luisant. Marcher était la seule chose qu'il me restait à faire. Des trottoirs noirs je venais d'un horizon noir pour aller vers un avenir noir. Je ne pouvais même pas rêver à des yeux dont je pus être amoureux, il ne restait plus assez de matière, ne serait-ce que pour un sourire.

J'ai eu l'espoir d'aimer un jour mais je n'obtins que la confirmation du mythe. L'amour ne servait que le mensonge, l'irrédentisme des bons sentiments que la vie rendait crédible, et la mort parfaitement inutiles. Tu y crois sans l'éprouver juste parce qu'on t'as dit qu'il existait et que douter de lui c'est ce clignement de paupières qui te fait rater son passage. Tu vois, il y a deux mensonges, dieu et l'amour. Tu peux douter de dieu parce que son évocation est mythologique mais, douter de l'amour c'est renoncer à un semblant d'espoir terrestre ; comme si le malheur perdait de sa violence dans un lit de connivences. Certes, à deux on est plus forts mais pour écraser qui ? Il te reste deux échappatoires, le sexe et l'écriture, baiser pour oublier, écrit pour que les autres n'oublient pas ce que t'as toi-même essayé de fuir.

Moi je n'aime pas les jours qui s'en vont, je n’aime que ceux qui restent. Mais en reste-il un seul qui soit digne d'être retenu ?