Poésie & homosexualité : juste une mention historique.

Le lundi 15 mars 1926 la revue "Les Marges" qui a éditée je crois entre 1903 et 1936 avec un hors série en juin 1937 publiait la réponse de trente-six écrivains interrogés sur l'homosexualité, ce qui nous donne une photographie de l'état d'esprit de l'intelligentsia française.

Cet article fut repris plus tardivement par la revue Arcadie n°91/92 (juillet/août 1961) sous le titre　: Un intéressant retour en arrière par Raymond Leduc, pp. 412/417.

Ce qui retient notre attention c’est la question numéro 2 puisqu'elle évoque la place de l'homosexualité dans la poésie.

2° Pensez-vous que la présentation dans le roman, dans la poésie ou au théâtre de personnages invertis puisse avoir une influence sur les mœurs ? Est-elle nuisible à l'art ?

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Aucun auteur, femmes ou hommes n'ont répondu sur le fait poétique en particulier ce qui est dommage mais sa seule mention nécessitait que je la mentionne ici. D'ailleurs, la poésie, n'est-elle pas quelque part un peut de l'homosexualité de la littérature ? N'a-t-elle pas tous ce qu'on lui reproche pour les uns et tous ce qu'on lui envie pour les autres ? Ne vient-elle pas par des tropes, par alambiques fleuris, mettre des mots comme les mots eux-mêmes ne se mettent pas ordinairement faisant rimer des vers comme un tailleur le ferait avec les couleurs ?

Si personne n'a répondu sur la place spécifique que l'homosexualité pouvait ou devait tenir dans la poésie, si celle-ci pouvait s'en emparer, l'évoquer, la transcender, rêver d'elle, 36 ont donné leur avis sur la littérature, certains très modernes, d'autres, archaïques.

1. Jacques Dyssord : « La femme qui se donne des allures masculines est loin de nous déplaire : n'y aurait-il donc pas chez nous un penchant qui s'ignore ? »
2. Thomas Raucat : « Les hommes de lettres ne sont pas plus invertis que la moyenne des autres corps de métier. La littérature homosexuelle ne m'indigne pas ; au contraire, elle m'amuse.
3. Henri Bachelin : « Où est la norme ? Où est la règle ? Il n'y a que le talent qui compte. »
4. Rachilde : « Il n'y a pas d'hommes vertueux : l'occasion fait le larron. Je ne connais pas d'homme vraiment sincère qui ne puisse avouer au moins un essai. »
   
   
5. Léon Deffoux : « Cette race doit s'éteindre d'elle-même. »
6. Henri Barbusse : « L'homosexualité est un signe de décadence. »
7. Henri Pourrat : « L'homosexualité fait penser au soulier dans la soupe. »
8. Lucien Fabre : « Je demeure toujours surpris que l'on tolère, sans dégoût, la littérature et la présence des invertis. »
9. Louis Martin-Chauffier : « C'est le vice le plus odieux, contre nature. La littérature homosexuelle doit périr assez vite, parce qu'elle est ennuyeuse et monotone. » (ici nous avons mention de cette idée que l'homosexualité serait "contre nature" comme Pétain l'affirmera) etc

La réponse du poète Octave Uzanne (1851-1931) fut la plus développée même si d'autres n'étaient pas dénuées d'esprit et de bienveillance, « Les mœurs demeurent les mêmes à travers les âges : l'humanité est immuable ; seule l'hypocrisie est plus ou moins perfectionnée. Baudelaire avait raison de dire que la nature n'a mis aucun obstacle formel à l'accomplissement de certains accouplements que l'humanité, aussi bien que l'animalité, ont toujours pratiqués selon les opportunités. Pourquoi donc parler de mœurs contre nature, antiphysiques, anormales ? Là où il y a possibilités physiologiques d'adaptation et des conséquences nulles et aucunement nocives, peut-il y avoir criminalité ou offense aux lois naturelles? C'est question de vie privée, de goûts, d'impulsion (Baudelaire dixit). »

Le site http://www.octaveuzanne.com/2013/02 publie le texte complet de son intervention mais, je m'interroge sur ce galopin de Octave Uzanne qui collectionna les femmes mais ne se maria jamais ; qui ne se sert pas de cet ascendant hétéro-centré pour dénigrer les homo. Est-il possible que sur une vie aussi longue il n'ait jamais profité de la disponibilité masculine ? Jamais déposé la pointe de son épée sur les petites épaules roses des bouches de chevaliers agenouillés que nous étions à l'époque ? Les occasions durent être nombreuses et les volontaires non moins pléthoriques, que cela ne se soit jamais passé me laisse dubitatif, même si le geste qui referme la braguette clôt dans un même élan la bouche de celui qui vient d'en bénéficier.

 Page créée le mardi 8 février 2021, à Paris.